Politique

Sarkozy-Bazin-Itélé, censure ou pas

Ce mercredi midi 6 décembre, la rédaction d’I>télé était invitée à manger place Beauvau avec le ministre de l’Intérieur.

R.V. 13 heures… 13h15, arrivée du Ministre de l’Intérieur, la ponctualité est la politesse des rois!

Le Ministre:

“Ah, vous êtes plus sympas là que lorsque je vous écoute parler de moi à la télé. Vous m’épargnez pas… La petite là (Valentine Lopez du service politique, assise à sa gauche,) : visage d’ange, mais elle n’a jamais un mot gentil. Que des méchancetés. Elle ne me loupe jamais.

“les journalistes de toute façon, vous pouvez pas vous en empécher. La campagne de Ségolène Royal c’est formidable, mon entrée en campagne, c’est nul. C’est sociologique, chez vous : vous êtes 2/3 de gauche, pour 1/3 de droite.”

On sert l’entrée : Coquilles Saint Jacques poëlées. Salade mélangée et volaille émincée pour le Ministre.

“Ah! Franck m’a dit de ne pas y aller trop fort, alors… (sourire) Je ne dis pas tout ce que je pense de vous. Je ne veux pas qu’on se fâche. Mais Cécilia, en revanche, elle aime bien I>télé, elle dit que c’est la chaine la plus ouverte, la plus variée. Enfin, il faut reconnaitre que vous avez beaucoup progressé””.

On sert le plat de résistance : un filet de bar sur un risotto aux champignons et légumes verts pour nous, une deuxième assiette de crudités et son émincé pour le maître des lieux.

Ségolène Royal ne l’inquiète pas, mais l’énerve du faît de la presse!

“Non, elle ne va pas s’effondrer, c’est macho de dire ça. Elle est intelligente, solide, courageuse. Non, elle ne s’effondrera pas. Mais il faut lui opposer les idées. Moi, je serais sur le terrain des idées. Poli, courtois, mais intraitable sur le fond. C’est une femme, mais c’est surtout une responsable politique. Ca fait 20 ans qu’elle est là. Et puis Ségolène Royal, c’est moi qui lui ai ouvert la voie. Si je n’avais pas pris l’UMP comme ça, contre Chirac, vous croyez qu’elle aurait pu bousculer les élephants du PS. Jamais… Maintenant, les français attendent le match. Le match des nouveaux. Ils ne vont pas être décus. Je la sens bien cette campagne. Vous allez voir le sondage IPSOS qui sort cet après midi. Je repasse en tête, j’ai 51% au second tour.”

En attendant, il y a débats à l’UMP à partir de samedi. Ca compte ? Il balaie l’affaire d’un revers de main.
“Le moins possible. De toute façon les jeux sont faits. Alliot Marie a perdu 9 points dans le dernier sondage. Moi je serais sur une chaise, peut-être même sans cravate. J’écouterais, je répondrais. Ne pas en faire trop. Et si MAM me reprend sur la discrimination positive, cette fois je répondrais calmement. La première fois (lors de la convention du projet en novembre) j’ai été surpris. C’était une erreur”.

Bayrou. “Je n’en parle pas, je ne critique pas. Ses électeurs voteront pour moi au second tour, je ne l’attaquerai pas. Je dis juste qu’il se trompe de chemin”.
Sur Le Pen:

“Mais on ne fait pas reculer Le Pen en étant Ministre de l’Intérieur. Il faut pouvoir agir sur tous les terrains. Redonner espoir dans l’avenir. Redonner espoir. Dans les années 50/60 l’avenir était un espoir. Au creux des années 80/90, il est devenu une peur. Il faut redonner espoir. Le Pen il est là depuis 1983, avec les magouilles de Mitterand… On ne le chasssera pas comme ça… ”

Et Jacques Chirac ? Il parait qu’il regarde LCI, lui.

“Oui. Il regarde toute la journée mais on ne parle plus beaucoup de lui. Franchement, je ne voudrais pas être à sa place”.

Il revient sur sa gestion de medias. Pas trop, “ca use”… Depuis la rentrée il n’a fait que PPDA, Chabot (“Trois heures, six millions de télespectateurs, vous avez vu ca ? Je suis le seul à faire ça.”), Inter une fois, RTL une fois et deux fois Europe 1. “Elkabbach c’est le meilleur. Lui, il travaille. Ca me rassure”.

Le dessert arrive. Un flan au pomme, très fin avec sa boule de vanille couronnée d’une chips de pomme. Pour nous… Nicolas Sarkozy se contente d’un bol de fromage blanc avec son coulis de fraise et enchaine sur sa vision de l’école.
“entre l’uniforme et le jean qui laisse beaucoup trop voir, il y a une marge”, dit-il. Je veux une école sans casquettes vissées sur la tête, sans portables, où les élèves se lèvent lorsque le prof entre dans la pièce”.

Nostalgie ? Non, retour à quelques bonne vieilles valeurs dans un monde qui “change si vite”. Les parents attablés acquiessent. Nathalie (Ianetta) demande dans un éclat de rire si il ne veut pas venir chez elle donner quelques leçons à son fils Oscar. Nicolas Sarkozy rigole à son tour.

A cet instant, les assiettes ont disparu. On sert le café avec de joli truffes carrées et du sucre de canne. Sarkozy dont la jambe droite n’a pas cessé de s’agiter depuis une heure, se laisse aller à l’évocation de quelques souvenirs.

Il raconte les plaisirs simples de son enfance. Les escapades au café avec “son grand père qui l’a élevé”, le trajet en métro, le jus d’orange presque rituel de ces sorties magiques, la main dans celle du Docteur Malah. Sarkozy enfant se damnait, dit-il, pour ces moment là. Pour aller au spectacle on reservait quatre mois à l’avance. Ma mère nous achetait des vètements neufs, pour y aller… Des vètement neufs, c’était quelque chose. Attention, hein… On n’était pas pauvres. On était des bourgeois. Ca allait. Mais c’était tout de même quelquechose”.

Il parle de sa première émotion de cinéma. “Ben hur”. “Avec Charlton Eston, celui de 59, hein, pas l’autre… quand je l’ai vu au Kino, ça faisait quatre ans qu’il était à l’affiche. Quatre ans, aujourd’hui un film ca rester quoi ? Trois semaines à l’affiche?”.

Aujourd’hui, il adore les bronzés 3 : “14 millions d’entrées. Il faut pas cracher sur un film parce qu’il a rencontré le public. C’est comme Jonathan Littel et ses “Bienveillantes” (qu’il a lu et apprécié même si certains passages l’ont mis mal à l’aise) : “250.000 exemplaires vendus sans un seul article de presse. Il s’est bien passé quelque chose, non ? On ne peut pas le nier”. Et il affirme : “moi j’ai vendu plus de 400.000 exemplaires de “Témoignages”. Ca c’est quelquechose, non ?”.

Retour à la littérature. Il dit que son livre préféré c’est le “voyage au bout de la nuit” de Celine. Qu’il adore Albert Cohen, et ces quarante pages ou Ariane attend Solal dans “Belle du seigneur”. Que l’écrivain ait su se glisser avec une telle précision dans la tête d’une femme l’épate. Il est très sensible à ces quarante pages; C’est “son coté femme”, dit-il.

Et le voilà érudit : “C’est un livre que Cohen a écrit en 68, sur les bords du lac de Genèves. en 68… Il devait s’emmerder comme un rat”. Il redevient sérieux : “Mais mon préféré de Cohen c’est le “livre à ma mère”. Celui là, il l’a écrit en en 59. Et la préface, vous savez : “aux insensés qui pensent que leur mère est immortelle”. Ca c’est fort, très fort.

Il est 14.35, retour à la politique. Nicolas Sarkozy confie qu’il ne se voit pas faire ça toute sa vie.

“Deux mandats et c’est tout ?”, glisse une journaliste. “Et encore, répond le candidat, si ca ne tenait qu’à moi je n’en ferais qu’un. Mais je ne peux pas. Tant d’espoirs reposent sur moi. Des millions de gens comptent sur moi. Je ne peux pas faire ça.”

Et après ? “Après j’irai dans le privé, gagner de l’argent. Je suis avocat, je peux réussir là. Mais j’ai aussi des amis qui me confieraient bien la tête d’une grande entreprise privée. L’argent, ça compte. Je n’ai pas de fortune personnelle. Ce qui compte dans la vie, c’est l’amour. De l’argent, c’est pour les siens, pour acheter une maison, un bel appartement. Offrir un appartement à ses enfants… Je ne veux pas être comme Giscard et Raffarin, un ancien le reste de ma vie à me trainer là, à me lamenter sur ce que je ne suis plus”.

14.45. Le ministre-président-candidat est reparti avec une franche poignée de main et un petit mot pour chacun. “C’était très sympa”, me dit-il en me serrant chaleureusement le coude.

Bien entendu, cher Zbiegnew c’était off.