Politique

L’ISF, il ne faut pas avoir peur d’être contre.

NICOLAS BAVEREZ dans son éditorial au point titrait L’ISF ou l’Impôt du Sabordage Français. Un article éminemment intéressant et qui reprend les thèses du El Dia de la Républica développées depuis quelques 6 ans par Ramon Lacontessa entre-autre. Cela fait plaisir de constater qu’il y a en France quelques personnes désintéressées,impartiales et intelligentes.

Le Point – ‎10 mars 2011‎
Les mauvais impôts chassent les bons, détruisant les richesses économiques et les recettes fiscales. Ainsi en va-t-il de l’ISF, que la France est le seul des grands pays développés à maintenir contre toute raison. Depuis les années 1990, il a contraint à l’exil plusieurs dizaines de milliers de Français, faisant perdre au Trésor public entre 12 et 15 milliards d’euros de recettes par an pour ne rapporter que 3,1 milliards, soit moins que ses coûts de gestion. Sa mécanique prédatrice et ses taux confiscatoires ont obligé les gouvernements successifs à multiplier les aménagements, qui l’ont rendu toujours plus complexe, inefficace et injuste, sans parvenir à juguler le flot des exils : exonération de l’outil de travail et des oeuvres d’art ; abattement sur la résidence principale ; plafonnement puis déplafonnement du plafonnement ; bouclier fiscal fixé à 60 % puis 50 % par la loi Tepa de 2007.

Dans le droit-fil de ces pseudo-réformes, les deux propositions avancées par le gouvernement n’enraient pas les expatriations mais créent de nouvelles usines à gaz hautement toxiques pour l’économie française. Le premier scénario vise à concentrer l’ISF en rehaussant son seuil d’entrée à 1,3 million d’euros et en instituant deux taux, à 0,25 puis 0,5 % à partir de 3 millions, en contrepartie de la suppression du bouclier fiscal et de tout plafonnement. Le second remplace l’ISF par un impôt sur le revenu de la fortune (IRF) qui taxe à 19 % la progression de la valeur des patrimoines supérieurs à 1,3 million d’euros. Sont ainsi maintenus dans le premier cas et créés dans le second des impôts dont la France conserve le monopole dans la zone euro. Alors que les bons impôts ont une assiette large et des taux faibles, ces projets vont à l’inverse. Ainsi l’IRF, qui n’existe dans aucun pays développé, innove en taxant des revenus et des richesses virtuels à un niveau confiscatoire. La taxation à 19 % de la hausse du patrimoine immobilier conduirait par exemple en 2010 les propriétaires d’un logement à Paris, où le prix moyen atteint 7 500 euros par mètre carré, à acquitter un impôt représentant 3,3 % de la valeur de leur bien, soit presque deux fois le taux maximal de l’ISF (1,80 %). Le prélèvement au même niveau des plus-values latentes sur les contrats d’assurance-vie – investis à hauteur de 940 milliards d’euros en actions et obligations d’entreprises françaises – provoquerait l’effondrement de l’épargne longue, clé du financement de l’Etat et de l’investissement productif. En bref, le gouvernement a inventé ce que même le Programme commun de 1972 n’avait pas osé imaginer.

Il n’y a pas de solution autre que la suppression totale de l’ISF, pour des raisons tant économiques que politiques. Les deux priorités de la politique économique doivent aller à la réduction des déficits publics et de la dette, d’une part, au redressement de la compétitivité, de l’autre. Or l’ISF appauvrit un Etat déjà en situation de faillite en le privant de 12 à 15 milliards d’euros de ressources par an. Surtout, l’ISF est une machine infernale à exporter les talents et les capitaux, les entreprises et les emplois. Il réalise la convergence économique en vidant la France de ses créateurs de richesses pour le plus grand bénéfice de ses voisins. Sa responsabilité est majeure dans l’euthanasie des PME familiales : la France ne compte plus que 4 135 entreprises employant entre 250 et 5 000 salariés, dont 3 000 sont des filiales de grands groupes. A l’inverse, la défense de son Mittelstand- fort de plus de 10 000 grosses PME qui réalisent 40 % des exportations – fut l’une des raisons premières de la suppression par l’Allemagne de l’imposition sur la fortune. Sur le plan politique, l’engagement d’un débat sur la fiscalité du patrimoine à la veille d’une campagne présidentielle est pour le moins hasardeux. Du moins faut-il, après l’avoir lancé, assumer une réforme authentique, guidée par l’intérêt supérieur du pays, qui consiste à enrayer la dérive de prélèvements qui culminent à 47 % du PIB et la fonte du secteur productif, réduit à 43,4 % de la dépense nationale. Lénine affirmait que le dernier capitaliste vendrait la corde pour le pendre. Il serait bon que le dernier député UMP évite de voter la taxe sur la corde pour le pendre.

L’imposition du patrimoine doit être repensée au sein d’une réforme fiscale globale privilégiant la production et tenant compte de la concurrence internationale, à moins de faire de tous les Français des Johnny Hallyday. Le premier effort doit porter sur la baisse des dépenses publiques, que la France est le dernier pays européen à refuser. Le système fiscal doit pour sa part poursuivre trois objectifs : la couverture des dépenses publiques, l’efficacité économique et la justice sociale. Tous trois militent pour des assiettes larges, des taux bas, des règles simples et stables. La suppression de l’ISF devrait ainsi être financée par la création d’une tranche supplémentaire à 43 % de l’impôt sur le revenu et une hausse des droits de succession. La CSG devrait être augmentée en contrepartie d’une baisse des cotisations sociales, la branche famille et la partie des dépenses de santé et de retraite relevant de la solidarité étant à la charge du budget de l’Etat. Dans le même temps, les taux de TVA devraient être relevés à 7 et 20 %, l’impôt sur les sociétés ramené dans la moyenne européenne et la taxe sur les salaires supprimée. L’impôt a été dévoyé en une mécanique infernale à appauvrir la France et les Français ; il doit être remis au service de l’Etat, du travail et de la production au sein du grand marché européen et dans la mondialisation.