Politique

Jean-Luc Mélenchon opposé aux sanctions contre la dictature (rouge) biélorusse

De Jean Quatremer.

Chacun a ses bonnes dictatures. Les conservateurs et les socialistes ont ces temps-ci une faiblesse coupable pour les dictatures étiquetées « rempart contre l’islamisme », comme ils viennent une nouvelle fois de le montrer avec leur incapacité à soutenir la révolution tunisienne, alors que la gauche radicale, elle, a une tendresse évidente pour les dictatures rouges. Le député européen du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, et ses amis communistes viennent de s’illustrer une nouvelle fois en refusant de voter, aujourd’hui, une résolution du Parlement européen demandant un durcissement des sanctions contre Alexandre Loukachenko, président de la Biélorussie, une ancienne République soviétique restée communiste et employant les mêmes méthodes que la défunte URSS.

« Réélu » pour la quatrième fois avec 80 % des voix le 19 décembre dernier, au terme d’un processus jugé non démocratique par la communauté internationale, Loukachenko a décidé de réduire définitivement au silence ses opposants en multipliant les arrestations brutales et arbitraires. Prise par surprise devant ce brutal raidissement, l’Union, par la voix de Catherine Ashton, sa ministre des affaires étrangères, semble décidée à durcir le ton après avoir joué, depuis 2008, la détente et l’ouverture dans l’espoir, manifestement vain, d’adoucir le régime biélorusse.

La résolution du Parlement présentée aujourd’hui a pour but de soutenir les efforts d’Ashton. Le texte demande que les plus hauts dirigeants bélarusses ainsi que ceux « qui peuvent être tenus pour responsables des fraudes électorales ainsi que de la brutale répression et des violentes arrestations de membres de l’opposition » soient à nouveau interdits de visa et leurs avoirs gelés. Il réclame aussi des « sanctions économiques ciblées et le gel de toutes les aides macro financières » et que l’Union soutienne l’opposition, notamment les médias indépendants.

Sous prétexte qu’ils sont opposés aux sanctions, les députés de la GUE (groupe politique où siège M. Mélenchon) ont refusé de voter ce texte qui, évidemment, est passé sans problème, la GUE étant largment minoritaire. Comme il n’y a pas eu de vote électronique, mais un simple vote à main levée, il n’y a pas de trace écrite de ce forfait. Heureusement, les députés Verts qui jettent toujours un œil sur les bancs de la gauche, et donc sur Jean-Luc Mélenchon, se sont empressés de me signaler ce petit fait si révélateur de ce que sont vraiment le Front de gauche et le PCF, toujours prompts à soutenir les dictatures rouges (M. Mélenchon a quitté l’hémicycle pour ne pas assister à la remise du prix Sakharov des droits de l’homme à un dissident cubain, Cuba n’étant « pas une dictature », comme il l’a déclaré depuis). Dans le cas de Loukachenko, on imagine que c’est la rhétorique du peuple qui souffre des sanctions et non les dirigeants qui justifie ce vote étonnant. Et que les choses soient bien claires : je déplore que le Parlement dominé de la tête et des épaules par la droite ne condamne pas avec la même vigueur tous les régimes dictatoriaux, mais ce n’est pas une raison pour ne pas condamner le régime biélorusse, la dernière dictature européenne.

Je suppute et je suppose, évidemment sur les motivations réelles de M. Mélenchon. Car, comme lors du prix Sakharov, il ne s’est pas vanté de son geste. J’ai évidemment cherché à joindre l’assistante du député du Front de gauche, la mystérieuse Céline, sur son portable français et belge, en vain, comme toujours, celle-ci ayant la réputation de ne jamais répondre. C’est plus sûr, cela permet d’affirmer que les journalistes ne font pas leur travail.
Jean Quatremer des nouvelles de Bruxelles de libération.fr